Medfel : vers un début de reprise en fruits et légumes bio ?

Le 03/05/2024 à 12:39 par La rédaction
Allée du salon Mdefel 2024


Au Medfel à Perpignan, ces 24 et 25 avril, les opérateurs du circuit long, engagés en fruits et légumes bio, restent pour la plupart confiants, voyant quelques signaux de relance commerciale. Et tous continuent d’avancer en innovant, diversifiant leurs marques, leurs engagements et leurs circuits de distribution.

 

Parmi les exposants, Legros Bio, entreprise 100 % bio actrice de la filière depuis plus de 20 ans, commercialise environ 12 000 tonnes de fruits et légumes par an. « On ressent une remontée des ventes aujourd’hui, sachant que nous étions passés de 30 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2019-2020 à 20 millions ces deux dernières années », explique Laura Doval responsable achats. L’opérateur s’est même confronté à des prix d’achat en conventionnel supérieurs à ceux du bio. « Ce qui est décourageant pour les producteurs et peut les inciter à déclasser leurs légumes. » Pour se démarquer, la société d’import-export basée à Perpignan, dont 80 % des volumes sont d’origine espagnole, et le reste des Pyrénées-Orientales, lance sa marque Néabio. « Nous ciblons certains producteurs et l’objectif est de proposer à nos clients une gamme montant en qualité, que cela soit au niveau du calibrage, du conditionnement, de la présentation et de l’aspect gustatif » , présente Corinne Sahagun, commerciale. « Les producteurs devront aussi être certifiés GlobalG.A.P. et nous les encourageons à suivre la norme Spring relative à la gestion de l'eau , poursuit Laura Doval. Des audits qualité et des analyses régulières seront également effectués chez ces producteurs engagés dans Néabio. » Mandarines, poivrons et aubergines sont commercialisés sous la marque depuis octobre 2023. Corinne Sahagun et Laura Doval sont confiantes : « Le marché va remonter, nous le pensons sincèrement ! »

Corinne Sahagun et Laura Doval de Legros Bio.

 

Nouvelle gamme d’agrumes du Portugal

STM Bio&Co, société créée depuis quatre ans, est spécialisée en bio sur les fruits à noyaux, les légumes ratatouille et les agrumes. « Nous travaillons avec des producteurs du Roussillon pour les fruits à noyaux, décrit Susana Teixeira, chargée de communication et marketing commerce. Mais nous nous fournissons en majorité auprès de producteurs en Espagne et au Portugal. Nos clients sont des grossistes, la grande distribution et les magasins spécialisés, avec 70 % de nos ventes en France. » Témoignant d’un marché compliqué, la responsable note cependant une légère augmentation des commandes depuis le début de l’année. « On se maintient à flot, en 2023, notre chiffre d’affaires n’a pas baissé ! Nous avons développé, en 2022, une gamme d’agrumes du Portugal, oranges, clémentines, mandarines et citrons. Et ce, en lien avec trois producteurs dans le pays. Cela nous a beaucoup aidés. Cette origine plaît, c’est nouveau. » Pour Susana Teixeira, un service client de qualité, fait aussi toute la différence et est gage de fidélisation.

Susana Teixeira, chargée de communication et marketing commerce chez STM Bio&Co.

Pas le droit à l’erreur

Bertrand Féraut, président de la coopérative 100 % bio Uni-Vert, basée à Saint-Gilles dans le Gard et regroupant 52 producteurs – dont 19 en Corse –, reste vigilant. « Cette crise n’est pas évidente, et dure dans le temps. Les charges continuent d’augmenter, et la pression sur les prix est encore importante » , indique-t-il. Le changement climatique est ce qui préoccupe le plus le producteur. « On s’en sort si on réussit toutes nos cultures, avec de bons rendements. Si on en loupe une, c’est tendu, car nous sommes justes par rapport à nos coûts de production. Nous sommes sur le fil du rasoir. Et encore, nous avons la chance de ne pas avoir de problème d’eau. » Le chiffre d’affaires de la coopérative, de 40 millions d’euros en 2023, est quand même en progression par rapport à 2022. « Car nous installons toujours des jeunes, dont deux en Corse en clémentines et avocats. Et nos techniques sont en constante amélioration. » Le président d’Uni-Vert perçoit également aussi une reprise en 2024. S’il estime que la coopérative pourrait installer plus de jeunes, Bertrand Féraut reste vigilant sur le volume commercialisable. « Et nous cherchons les profils en cohérence avec notre fonctionnement. Si nous avions les prix d’il y a cinq ans, nous en installerions davantage. Il faut attendre que les prix et les charges se stabilisent. »

 

Egalim d’abord

Pour la coopérative, le revenu du producteur reste la priorité. Et la structure tente de mettre à disposition des coopérateurs, suivi technique et matériel adapté pour garantir leur production. « La période est plus dure pour les jeunes installés, qui ont encore des frais fixes élevés et moins de trésorerie, et qui n’ont pas pu avoir accès au plan d’aide d’urgence pour la bio, faute d’antériorité pour créer l’année de référence. » Mais Bertrand Féraut martèle que, avant de solliciter des aides, les maraîchers demandent d’abord un respect de la loi. « Avant même de travailler sur Egalim 4, appliquons déjà la loi en vigueur ! » Pour le maraîcher-arboriculteur, il manque un vrai courage politique pour soutenir les produits bons pour la santé, l’environnement et le social. « On pourrait enlever la TVA sur les produits bio, ou subventionner le bio en taxant, au contraire, les produits issus de pratiques impactantes sur la santé et l’environnement. L’idée d’une carte alimentaire utilisable uniquement sur un choix de produits sains est aussi une bonne idée. »

Bertrand Féraut, président d’Uni-Vert.

 

Constante prospection

100 % bio depuis 1996, la Ferme Ty Coz, basée dans le Finistère est gérée par les trois frères Seité : Éric, Julien et Tanguy. « Nous produisons une cinquantaine de légumes par an, grâce à 140 ha de plein champ et 8 ha d’abris froids sous lesquels nous cultivons notamment 25 variétés de tomates , décrit Estelle Seité, directrice commerciale de la ferme. Nous vendons 6 000 tonnes de légumes chaque année, via la vente directe et l’expédition en France – GMS, centrale d’achats de magasins spécialisés, magasins bio indépendants et RHD – et en Europe. » Les maraîchers exposent pour la première fois au Medfel. « Nous voulions rencontrer nos clients de Perpignan et nous sommes toujours en constante prospection pour de nouveaux débouchés. » L’entreprise agricole partage d’ailleurs un stand avec le domaine de la Taste, producteurs de fruits bio corses. « Nous sommes complémentaires. » Les deux dernières années ont également été compliquées pour les producteurs. « Nos marges ont diminué. Les charges augmentent, mais pas les prix. Nous avons dû déclasser parfois certains de nos légumes », indique Julien Seité . Néanmoins, une légère relance du marché se fait aussi sentir chez les Bretons ces derniers mois. Les maraîchers ont diversifié leur clientèle bio, notamment via des magasins anti-gaspillage et l’industrie, pour les légumes non commercialisables en frais. « Nous avons également remarqué, qu’en grande distribution, la reprise est meilleure lorsque le rayon bio des fruits et légumes est collé à celui du conventionnel. S’il est isolé, il y a moins d’achats » , déclare le maraîcher. Pour lui, la profusion de labels et allégations environnementales n’a pas fait de bien. « Sachant que, contrairement à nous, les structures portant ces labels privés ont des budgets importants pour la communication. Mais nous continuons à défendre nos valeurs, à expliquer nos choix techniques, comme le fait que nos serres ne sont pas chauffées. »

L’offre bio, mise en avant à l’entrée du Medfel.

 

Étoffer sa gamme

Les domaines de la Taste, acteurs historiques de la bio en Corse, cultivent des agrumes, pomelos, clémentines, oranges et citrons, sur 110 ha. « Mais nous nous diversifions, pour innover et renouveler nos marchés , témoigne Aurélien Warin, commercial au sein de la société. Nous restons sur des marchés de niche, avec des cultures très saisonnières, attendues et axées sur les notions de plaisir. » Les producteurs relancent ainsi la culture de l’avocat. « Les avocats corses ont tous été arrachés dans les années 1960, à cause d’un champignon. Avec la variété Hass, plus résistante, nous nous lançons le pari d’en reproduire. Nous avons récolté 30 tonnes en 2023 et nous en attendons 100 pour 2024. » À venir aussi : litchis, mangues et fruits de la passion – 3 tonnes en 2023, et 10 tonnes prévues en 2024.

Aurélien Warin, commercial aux Domaines de la Taste.

 

Frédérique Rose

(crédit photos : Rose F.)

 

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Objectif numéro 1 : relancer la consommation à domicile

Comme chaque année au Medfel, Interbio Occitanie met en valeur la bio dès l’entrée du salon. « Cela reste compliqué en fruits et légumes bio dans la région, même si on entend des signaux de reprise, estime Nancy Fauré, directrice d’Interbio Occitanie. Mais en regardant les chiffres, ce n’est pas là où nous notons le plus de déconversions. » Ce sont les grandes cultures les plus impactées. « Or même au sein de cette filière, on compte 4 % d’arrêts de certification. Nous n’assistons donc pas à des déconversions massives. » Les professionnels sentent bien que les maraîchers de la région font le dos rond, en attendant la reprise. Pour Dany La Noé, directeur du Civambio 66, les producteurs en vente directe se maintiennent. Un recul des ventes s’est aussi fait sentir dans les magasins de producteurs, mais sans que cela soit catastrophique . « C’est surtout pour le circuit long que cela est difficile, avec des baisses de commandes et une augmentation des charges non répercutée sur le prix de vente. » Le directeur remarque de plus en plus de projets de diversification des maraîchers vers l’arboriculture, notamment les agrumes, et ce, malgré l’épée de Damoclès du manque d’eau qui plane sur le département.

 

Renforcer les campagnes de communication

« Tout le monde veut s’atteler à la restauration collective et c’est très bien ! Mais nous rappelons aussi que c’est un marché compliqué, qui n’offre pas des débouchés toute l’année, et ne représente pas de gros volumes d’achats », décrit Nancy Fauré, pour qui la priorité est bien de relancer la consommation à domicile. « Les enseignes comme Intermarché et Systèmes U s’engagent pour relayer la campagne Bio Reflexe, c’est une très bonne nouvelle. » De son côté, Interbio Occitanie, grâce à un financement de la Région Occitanie, renouvelle sa campagne de promotion Bio Reflexe, valorisant les filières bio régionales. « Et ce, via des affichages dans les zones commerciales, dans la presse locale et peut-être à la télévision. » La campagne sera relancée en mai, pour deux mois, et avec un rebond à l’automne. L’Occitanie accueillera aussi le bus du Bio Tour de l’Agence Bio, à Toulouse et Montpellier, en mai et en juin.

L’équipe d’Interbio Occitanie au Medfel : Emmanuel Eichner d’Alterbio, vice-président, Nancy Fauré, directrice, Pauline Fournis d’Océbio, Dany La Noé, directeur Civambio 66 et Christian Soler, président.